Souvent avancé par les mauvais perdants, l’argument des réseaux géopolitiques de vote est une réalité statistique parfois, mais pas que. Une réalité qui s’applique quand aucun candidat ne sort véritablement du lot — ce qui n’était pas le cas de la Norvège en 2009, de l’Allemagne en 2010, de la Suède en 2012 et en 2015, de l’Autriche en 2014, du Portugal en 2017, ou des Pays-Bas il y a deux ans, puisque leurs vainqueurs étaient très largement au-dessus. Certes, on vote bien les uns pour les autres dans les pays nordiques, dans l’ex-URSS, dans l’ancien bloc communiste. A chaque compétition, la Macédoine, par exemple, donne 9,33 points de plus que la moyenne des autres pays à l’Albanie. La Géorgie préfère l’Arménie, qui le lui rend bien. La Serbie vote d’abord pour la Bosnie-Herzégovine, qui vote pour… la Serbie. Le plus flagrant : la Moldavie et sa voisine, la Roumanie, qui votent massivement l’une pour l’autre (environ 10 points de plus que la moyenne des votes), note nos confrères du « Parisien ».
Lors des éditions 2014 et 2015 les candidates russes ont été sifflées par un public hostile à la politique extérieure de la Russie en Ukraine. Mais qui peut expliquer les éventuelles votes géopolitiques liés aux victoires de la Norvège, de l’Autriche, de l’Allemagne ou du Portugal ces dix dernières années ? Personne. Parce qu’il n’y en a pas. Alexander Rybak (« Fairytale »), Lena Meyer-Landrut (« Satellite »), Conchita Wurst (« Like Rise A Phoenix »), Salvador Sobral (« Amar pelos dois ») ou Duncan Laurence (« Arcade »), étaient simplement au dessus du lot. En revanche, dans le cas d’un ensemble de candidats médiocres, les votes géopolitiques s’appliquent, certes, plus aisément, et permettent, au mieux à certains, d’intégrer le Top 10. Ce qui n’est donc nullement systématique.
Notons cependant que la réputation d’un pays peut être un inconvénient, ou au contraire un avantage — que la France souffre par exemple de l’image d’une nation arrogante, ce qui ne nous facilite pas la tâche. Depuis l’édition 2014, la Russie a été au centre de plusieurs polémiques : sur son attitude vis-à-vis des droits des minorités sexuelles dans le cas de Conchita Wurst, ou en 2017 lorsque sa candidate Yulia Samoilova, handicapée, a été disqualifiée pour avoir participé à un concert en Crimée en 2015 sans l’accord des autorités ukrainiennes. Ces dernières qui ont remporté le concours de l’Eurovision l’année précédente avec une chanteuse tatare de Crimée, Jamala, en prenant le thème très politique de la déportation des Tatars en 1944. Des phénomènes relativement anecdotiques, mais qui soulignent quand même les ambivalences, les dynamiques et les tensions entre la Fédération de Russie depuis le tournant conservateur des années 2010 et l’Union européenne. Par ailleurs, les russes se sont fait éliminer il y a trois ans, lors des secondes demi-finales.
Pour info, la France n’a pas remporté le concours depuis 1977 avec Marie Myriam et « L’oiseau et l’enfant » — même si elle s’est distinguée à plusieurs reprises depuis (voir sur ce lien), notamment en 1990 (2ème avec Joëlle Ursull et « White & Black Blues » signé Serge Gainsbourg), en 1991 (2ème avec Amina et « Le dernier qui a parlé »), en 1993 (3ème avec Patrick Fiori et « Mama Corsica »), en 2001 (4ème avec Natasha St-Pier et « Je n’ai que mon âme »), en 2002 (5ème avec Sandrine François avec « Il faut du temps » signé Patrick Bruel), en 2009 (8ème avec Patricia Kaas et « Et s’il fallait le faire ») et bien sûr en 2016 (6ème avec Amir et « J’ai cherché »). Samedi soir, Barbara Pravi avec « Voilà » tentera de faire mieux que la 16ème place de Bilal Hassani, il y a deux ans. En effet, en 2020 le concours est annulé suite à la pandémie du Covid-19 (coucou Tom Leeb !).
Thierry Cadet
facebook.com/eurovisionsongcontest
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